samedi 22 septembre 2007

Les oubliés du Bled (2) - Mibladen-Ahouli.





En 1935, nous avons changé de lieu. Nous nous sommes installés à MIBLADEN.Ce fut un nouveau changement radical. Après Flilou, les champs, les Kasbah dans la vallée, nous attendait un paysage lunaire. Il y avait là un bordj et cinq maisons neuves plantées là.
Ce centre minier ressemblait à un bagne et, il fallait rester là !

Nos parents plantèrent les premiers arbres : deux mûriers pas trop gourmands en eau et poussant vite. Quand je quittais la région, vingt ans après, ils étaient magnifiques.

A Mibladen, à part la chasse aux scorpions avec les « grand » et la recherche de beaux cailloux, il n’y avait rien à faire. De toute façon, il n’y avait rien : ni commerce, ni école, ni médecin. En un mot : RIEN !




En 1938, nous avons déménagé pour AOULI. Cela nous a surpris. Nous descendions d’un plateau à 1400 mètres d’altitude, caillouteux mais vaste, pour nous retrouver dans une petite vallée traversée par la Moulouya. Nous y avons atterri par une piste cahoteuse, pleine de virages se terminant par un pont emporté chaque année par les crues de la rivière. Ici, ce fut un autre choc. Dans ce site encaissé, traversé par la Moulouya nous subissions un vacarme vraiment inhabituel. Le va et vient bruyant des wagonnets allant des galeries de la mine, à la « laverie » rythmait les journées. D’autres wagonnets chargés de résidus de minerai et de boues en sortaient. Ils étaient passés dans des bains d’acides. L’atmosphère empestait.

Après le coin mine, il y avait un bâtiment assez long surnommé le Balima. C’est là que logeaient les familles des mineurs et, un peu plus loin, près de l’oued, quelques maisons dont la notre. D’autres maisons furent construites par la suite, quand nous y étions encore, en hauteur, loin de l’oued.

Sur place, comme dans nos précédents lieux de résidences, il n’y avait rien à cette époque : pas de commerce, pas de médecin, pas d’école. Un car était chargé du ramassage des écoliers de l’école primaire d’Aouli, en passant par Mibladen pour Midelt. Nous arrivions souvent en retard à cause des crues et des pistes impraticables. En chemin, il nous arrivait d’arracher des touffes d’Alfa que nous posions, avec des cailloux, dans les ornières, sous les roues du car. Il pouvait alors repartir.

Par la suite, je poursuivis mes études secondaires à Meknès. Je fus en pension et les trajets aller et retour ne manquaient pas de piquant.

Pour notre alimentation, cela se passait mieux. Ma mère donnait, régulièrement, au chauffeur du car un sac avec la liste des courses. Le soir, il ramenait le courrier et la nourriture.

En 1938, le médecin le plus proche était celui de la garnison militaire de Midelt.Il ne se déplaçait qu’en cas d’urgence. Autrement, les consultations se faisaient au téléphone ! C’est ainsi que mon frère fut soigné pour une vilaine bronchite. Pour le soigner, ma mère enveloppait sa poitrine de papier journal imbibé de pétrole, sans indication précise de temps. Le matin, en enlevant le papier, des cloques venaient avec ! … Terrible, mais radical, il n’a plus jamais eu de bronchite… !

Vous qui visitez aujourd’hui ces vestiges, vous pouvez maintenant imaginer ce qu’à été la vie de ceux qui on fait prospérer cette mine de plomb. De vrais pionniers. Ce furent des hommes et des femmes pour qui ce n’était pas rose tous les jours mais qui réussissaient à s’adapter. Dans l’esprit des gens du bled et des mineurs, il y avait une chose très précieuse : la Solidarité.

Texte de Mme Maguy Milelli, née de GUNTEN, Tiré de la revue Salam-n° 155.
Photos, du site "Midelt, Mibladen, Ahouli"

18 commentaires:

Unknown a dit…

Il n'y a plus le car pour faire la liaison Aouli-Mibladen-Midelt ; il faut dire qu'il n'y a plus de route digne de ce nom ! Alors il nous reste le souvenir de ces temps passés, avec l'image de ces camarades d'école vieillis et dispersés... Ainsi va la vie, je n'ai pas oublié ...
Salut à tous ceux qui liront ce blog et encore merci au Dr. Mouhib de l'avoir créér. Amicalement

Pas a pas a dit…

Bonjour Dr Mouhib
Encore un souvenir, pas plus tard qu'hier je suis allé sur le site de midelt, et celui de Roger,
J’y ai trouvé la photo de l'école de mibladen, j’y suis allé un an et j'avoues qu'après Midelt cela a plus ressemblé a un encasernement qu'a tout autre chose
Mes souvenirs sont tels que décrit dans le texte et moi c'était vers 1962
Amitiés
Patrick

Dr Mouhib Mohamed a dit…

bonjour Roger Vous avez raison Ahouli Mibladen sont dans une situation désastreuse et le titre "les oublies du bled"des annees trente ,s'applique aujourd'hui en 2007 parfaitement sur cette région .Espérons que les décideurs s'interssent un petit au sort des démunis de ces contrees.Amités

Dr Mouhib Mohamed a dit…

bonjour Patrick ;j' ai fait des vacations medicales dans la mine de Miblden au debut des annees 80?J'ETAIS IMPRESSIONé PAR LE MONDE MINIER QUE J'IGNORAIS;MME MAGUY MILELLI PAR SON TEMOIGNAGE DES ANNEES TRENTE PARTICIPE A LA CONSTITUTION DE L'HISTOIRE DES MINES DE MIDELT;QU' ELLE TROUVE ICI L'EXPRESSION DE NOS VIFS REMERCIMENTS ;MMERCI PATRICK POR VTRE PASSAGE .AMITIES.

S.Abdelmoumène a dit…

Bonjour Si Med,

Impressionnant ce que me rappellent ces deux photos de Mibladen et d'Aouli.

Pour Mibladen je vois bien sur la photo la porte en arcades qui donne accès sur la place de Mibladen où il y avait, l'épicier et tout à fait au fond l'école...
Le Cercle où je me vois encore entrain de jouer au ping pong et les bureaux de la penaroya où je livrais les factures de la droguerie pour le paiement ont été construits un peu plus tard j'imagine. Tu me corriges si je me trompe.
Pour Aouli c'est les portes étanches des maisons qui jouxtent le lit de l'oued Moulouya, que j'imagine encore en voyant la photo et je pense à "ANGIL" tout en hauteur....

Je te ferais un écrit spécial Mibladen, cette contrée le mérite bien…

Salah

S.Abdelmoumène a dit…

L’AGONIE….

Jamais le sort n’a été si cruel, jamais le jour n’a été aussi sombre pour ce pauvre déshérité, ses veines et ses artères souffrent mille maux, sa tête bourdonne sans arrêt, son cœur, habitué à la chaleur humaine s’est incontinent glacé au vu de ces horreurs.
Ayant perdu son bras droit dans cette bataille sans foi ni loi, il se sent déjà un pied dans la tombe, condamné à subir outre l’omission de ses fils inconditionnels, l’affront de ses voisins qui, sans l’ombre d’une hésitation ont jeté l’écorce après avoir pressé l’orange. Ainsi soit-il, ce personnage devint une épave à la dérive, en proie aux éléments de la nature.

Pourtant celui-ci était dans un passé récent la poule aux œufs d’or, une âme charitable qui se laissait dépouiller de son bien jusqu’aux tréfonds de ses entrailles. Sans mot dire et sans soupir, il avait même la possibilité de s’enrichir de se faire beau et élégant car le contexte aidant, il n’aurait eu aucune peine à se distinguer de ses semblables.

Malheureusement, la rencontre qu’il à faite un soir d’hiver, lui a été fatale et avant qu’il ne pût se ressaisir, il sombrait déjà dans le désespoir, même l’inclination que lui vouaient ses fils et ses meilleurs voisins fondait comme neige au soleil. Il s’était aperçu que la vie quittait petit à petit son corps et bientôt l’échine courbée, les membres squelettiques, la voie affaiblie et à peine perceptible, il demeurait à longueur de journée allongé sur son lit de mort, en résigné qu’il était, il attendait patiemment l’heure du grand départ.

Un silence tombal se faisait autour de lui, interrompu de temps à autre, par le toussotement d’un véhicule passant au loin, sinon par le craquement de branchages impactés par des pas lents et indécis, mêlé de temps à autre par le son d’un bâton sur le sol rocailleux et dévêtu.

Parfois ce bruit s’amplifiait, on aurait dit que quelqu’un s’approchait, faisant ainsi insuffler du courage dans ce corps abattu et sur le point de rendre l’âme. Il rouvrait ses paupières, croyait pendant un court instant à une visite de courtoisie, de réconfort, attendait, espérait qu’une main lui apportât derechef un tant soit peu de soutien.
Mais ses espoirs ensuite s’envolaient avec l’extinction graduelle du bruit des pas de son visiteur escompté et plus celui-ci s’éloignait et plus il sentait un frisson le tenailler si fort que ses cris plaintifs expiraient à peine sur ses lèvres, son corps se vidait de son sang et se convainquait à chaque minute que son trépas approchait à grand pas.

Les grands arbres qui le maintenaient à l’ombre et lui procuraient de la pluie, se desséchaient sachant pertinemment que ce village, « Mibladen » était occis à petit feu par la férule du destin. Ses compagnons de route, tout en verdure, avaient compris que l’homme avait déserté cette région parce qu’il y sévissait un climat de désolation, d’abandon, de misère tel qu’aucun être, fût-il des plus téméraires ne pût s’y aventurer. Adieu «Mibladen », adieu mon ami, repose en paix….


Salah

Dr Mouhib Mohamed a dit…

Bravo Salah pour ce texte poetique et dramatique exprimant l' èvolution chaotique de Mibladen.Par ailleurs pour les photos tu connais les lieux mieux que moi .Merci de ton passage;amicalement.

Dr Mouhib Mohamed a dit…

pour Salah "l'agonie"
fera partie des textes que je suis entrain de rassembler pour un eventuel travail du groupe sur Midelt.

dahou a dit…

Bjr Docteur, les butineuses d'une ruche parviennent toujours à lécher le nectar des fleurs même d'un jujubier épineux. Seulement, l'abeille pense à sa pérénité et donc assure aussi celle de l'arbre par la pollinisation. Quant à l'étre humain, il arrive à surpasser les conditions extrêmes de la nature, léche, pour ne pas dire spolier ni prélever, la richesse de la nature et s'envole sans soucis, laissant derrière lui l'autochtone détruire l'arbe qui l'a pourtant longtemps nourri. Amitiés Dr Dahri.

Dr Mouhib Mohamed a dit…

bonjour Dahou l' autochtone effectivement ne sait que detruire,jai fait dernierement une tournée à Taghbalout Ouhlima que tu connais très bien j'étais vraiment estomaqué.Pour des raisons electorales basses le site estivale sublime de jadis est devenu un souk d' Agdoud .Par ailleurs l' homme a beacoup de choses a apprendre de l'abeille.Amitiés

Majid Blal a dit…

Bonjour Si Mohamed
Je sais que par nostalgie, il y en aqui beurrent épais sur l'Éldorado Mibladen-Ahouli. Je sais aussi que c,est vrai que cette région est belle. Malgré son aspect inhospitalier, rébarbatif,son terrain rude et dur pour la survie, il y a eu beaucoup de gens qui ont connu le bohneur au sein, dans cette entité du MORDOR(réference à ce coin aride dans le "Seigneur des Anneaux". Les mutinationales, surtout minières n,nt jamais eu d'âme ni de considérations autres que leurs profits. Il suffit de voir à travers le monde et même en france surtout au Nord toutes les villes et les villages qui ont été délaissés et laissés à eux même quand l,activité minière n'y est plus( à lire aussi "Germinal"). En ce qui concerne le lien Midelt_Ahouli, Mon oncle maternel feu, ALI Oukouli a longtemps été le chauffeur du car qui faisait cette liaison dans les années 50 et 60. Mon oncle paternel, feu MOha Blal a été l'ambulancier pendant les années 50 et 60 idem. J,aime beaucoup la façon de raconter de Mme Milleli car sa bonne objectivité ne nous montre pas cela ni d,une noirceur à dénigrer ni d'une blancheur à faire de l'apologie.
Merci à vous

hicham a dit…

bonjour a tou lemonde j'en profite pour salue notre docteur Mouhib pour son courage et sa disponibilite et son hummanisme. chapeu bas Docteur et bon continuation

hicham a dit…

bsr si qqu'un peut me communiquer la liste des (oublies ) les jeunes français de l'epoque surtout les natifs des annees 50 et 60 avec qui je me suis bien amuse

Dr Mouhib Mohamed a dit…

Bonjour Mr Hicham je vous remercie pour les mots gentils concernant ma modeste perssonne;pour vos encouragements et egalement pour votre passage .salut

simple.quidam a dit…

Curieux au point d'être emmerd. Qui est R. Visse ? Si réponse ... Les noms cités dans les années ... ne me semble pas correspondre à ce que j'ai connu entre 53 et 59. Par exemple je n'ai jamais connu un car entre Aouli et Midelt . A l'époque des taxis qui chargeaient jusqu'à dix personnes + les biclous pour revenir de Midelt, à la grande joie des pandores marocains après l'indépendance ? Pour revenir de Midelt, plus bas que Mibladen que je crois situé aux environs de 1800 m , les gars préféraient le babour. A moins que la terre ait bougé. Je cherche un certain Kadour ben Aïssa, Grand , rouquin, (qui a mal tourné) il faisait partie de la première fournée de la gendarmerie Royale. Cela étant dit il ne doit pas être jeune , enfin plus que moi. Il m'a apprit à jouer à "Ronda". On bossait pour pouvoir jouer aux cartes.Avant la fin "officielle du boulot.iL Y avait un ancien (Ali ou Ziane) à qui je remplissais la feuille de présence.. je le faisais gagner plus que moi.Sacrés colonialistes. Aux dépends du tôlier.Il m'a fallut revenir en France pour avoir un salaire décent.

simple.quidam a dit…

Curieux au point d'être emmerd. Qui est R. Visse ? Si réponse ... Les noms cités dans les années ... ne me semble pas correspondre à ce que j'ai connu entre 53 et 59. Par exemple je n'ai jamais connu un car entre Aouli et Midelt . A l'époque des taxis qui chargeaient jusqu'à dix personnes + les biclous pour revenir de Midelt, à la grande joie des pandores marocains après l'indépendance ? Pour revenir de Midelt, plus bas que Mibladen que je crois situé aux environs de 1800 m , les gars préféraient le babour. A moins que la terre ait bougé. Je cherche un certain Kadour ben Aïssa, Grand , rouquin, (qui a mal tourné) il faisait partie de la première fournée de la gendarmerie Royale. Cela étant dit il ne doit pas être jeune , enfin plus que moi. Il m'a apprit à jouer à "Ronda". On bossait pour pouvoir jouer aux cartes. Sacrés colonialistes.Au dépends du tolier.

simple.quidam a dit…

Curieux au point d'être emmerd. Qui est R. Visse ? Si réponse ... Les noms cités dans les années ... ne me semble pas correspondre à ce que j'ai connu entre 53 et 59. Par exemple je n'ai jamais connu un car entre Aouli et Midelt . A l'époque des taxis qui chargeaient jusqu'à dix personnes + les biclous pour revenir de Midelt, à la grande joie des pandores marocains après l'indépendance ? Pour revenir de Midelt, plus bas que Mibladen que je crois situé aux environs de 1800 m , les gars préféraient le babour. A moins que la terre ait bougé. Je cherche un certain Kadour ben Aïssa, Grand , rouquin, (qui a mal tourné) il faisait partie de la première fournée de la gendarmerie Royale. Cela étant dit il ne doit pas être jeune , enfin plus que moi. Il m'a apprit à jouer à "Ronda". On bossait pour pouvoir jouer aux cartes. Sacrés colonialistes.Au dépends du tolier.

Mike Yankee a dit…

Bonsoir Docteur,

Je vous remercie de cette présentation qui m'a fait tellement voyager et rêver :) si vous permettez j'ai une petite question a ce que je sache a Mibladen et Aouli existe des bâtiments qui servent d'hôpitaux elles datent de quelles années après vous ?