dimanche 30 septembre 2007

la hyène et la sorcellerie.

 
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Selon les spécialistes, c'est la hyène rayée qui vit au Maroc. Cette espèce, qui était largement répandue dans la région de Midelt, Haute Moulouya orientale, ne se retrouve plus actuellement que dans les régions peu habitées des steppes de Dahra, entre Midelt, Missour et Oujda .
C'est un grand carnivore qui a la taille d'un chien, la coloration de sa robe varie du gris au gris jaune et présente des raies transversales en noir. Sa voix ressemble à un ricanement lorsqu'elle est surprise ( le rire de "mejjerioul").
La hyène rayée est un charognard, elle se nourrit de petits mammifères, mais fait sa nourriture essentielle des cadavres qu'elle peut déterrer meme dans les cimetières. Ce qui lui donne une très mauvaise réputation.
Dans les années 50-60 du siècle passé, la hyène rayée existait en grand nombre dans le moyen Atlas, comme en témogne ce paragraphe tiré d'une archive de DR.M.Rousselle: " je me souviens d'un jour où nous avons abattu une hyène. Les hommes d'un petit ksar voisin aux Ait Arfa de la Moulouya était venu nous proposer d'acheter ("ton prix sera le notre "). L'animal entier pour le détruire. Trop d'organes de cette bete entre dans la composition des filtres préparés par les vielles. ( Toujours suspectes de sorcellerie...dont les hommes ont toujours peur.)
Et bien , cette peur existe encore aujourd'hui, chez une grande frange de marocains surtout ignorants ou illetrés. Ils attribuent à la cervelle de la hyène (mokh eddbaa) des pouvoirs magiques.
Selon le reporter du 30/09/07, " mokh eddbaa se vend comme du "hachich", par petits bouts, sur recommadation et dans la discrétion totale."
"mokh eddbaa" a la réputation de méduser les gens (debbeaa). Selon la superstition , la femme qui porte "mokh eddbaa" ne verrait jamais son mari lui faire de reproches, ni la contrarier. Le mari ferait tout ce que la femme munie de "mokh eddbaa" lui demande et Il serait "mdebbaa".
La cervelle d'hyène rapporte gros à celui qui arrive a en acquérir une. Selon l'hebdomadaire Telquel-sep 2006- pour le besoin de magie noire, le trafic d'hyène fait des ravages au Maroc. Toujours selon cet hebdomadaire, le corps d'une hyène a été vendu à 150.000, DH à un riche commerçant du Golf.

Il est malheureux de constater, encore aujourd'hui, en 2007, que des pratiques ancestrales nuisibles continuent à sévir dans notre pays au vu et au su de tous!

Cette semaine , c'est l'ouverture de la session de chasse dans la région de l'orientale pour l'exercice 2007/2008, la hyène fait partie des animaux qui sont strictement interdts à la chasse au Maroc. EN PRINCIPE!

mardi 25 septembre 2007

Aghbala: la grande neige de 1960.


De la petite fenetre de notre maison nous observions un beau spectacle. Aghbalou et ses jardins le grand abrevoir et le mausolée de Sidi Mohamd Ou Said étaient sous de gros flocons de neige ( ibeliichen). Pas une ame qui passe. Un grand silence règnait , il n'est rompu que par quelques braiments des anes. C'était en 1960, je devais avoir 9 ans. J'ai dit à mon frère cadet: " encore la neige ce soir, j'adore!" . Nous adorions la neige pour plusieurs raisons: le fait de ne pas aller à l'école et pour l'ambiance de détente à la maison.
Les parents avaient pris la précaution de faire une bonne provision de bois et de victuailles.



Ma mère nous faisait des plats divers, à base de lentilles, de fèves ou de fénugrec(halba). Elle nous préparait souvent, aussi, du couscous avec de la viande et les abats séchés et salés (l'gueddid et l'kourdess). On mangeait nos repas à meme le bol autour d'u grand feu près de la cheminée. C'était simple et savoureux. A cette époque à Aghbala, il n'y avait ni télévision ni éléctricité. Nos longues soirées d'hiver étaient animées par des veillées autour du feu, à la lueur d'une lampe à essence. Le temps paraissait plus long qu'il ne l'était en réalité. Nos parents et grand parents nous racontaient, dans une ambiance extraordinaire, toutes les anciennes légendes en plus des banalités de la vie. Les histoires qu'ils nous racontaient mettaient en scène l'ogresse, le chacal, l'hyène , Aicha kandicha, bghelt arouda, etc....
Le souk ne s'est pas tenu pendant plusieurs semaines, il n'y avait ni légumes ni fruits, et meme si la famille nous préparait de bons repas , on éprouvait du plaisir à manger les glands ( iderran) grillés au feu de la cheminée.
L'hiver de 1960 était un hiver long et froid, plusieurs tonnes de neige sont tombées sur le village. Les ruelles étaient effacées et les gens marchaient au pif. Le ravitaillement dans le village commençait à manquer au bout de quelques semaines, et le soleil n'a démarreé la fonte des neiges que tardivement.



Les Aghbaliens n'ont poussé le soupir de soulagement que lorsque le graisseur du grand camion de Mohamed Ou Benaceur Jamali couleur olive donna le signal à ce dernier pour voyager et chercher les denrées alimentaires. - "Roule!".

samedi 22 septembre 2007

Les oubliés du Bled (2) - Mibladen-Ahouli.





En 1935, nous avons changé de lieu. Nous nous sommes installés à MIBLADEN.Ce fut un nouveau changement radical. Après Flilou, les champs, les Kasbah dans la vallée, nous attendait un paysage lunaire. Il y avait là un bordj et cinq maisons neuves plantées là.
Ce centre minier ressemblait à un bagne et, il fallait rester là !

Nos parents plantèrent les premiers arbres : deux mûriers pas trop gourmands en eau et poussant vite. Quand je quittais la région, vingt ans après, ils étaient magnifiques.

A Mibladen, à part la chasse aux scorpions avec les « grand » et la recherche de beaux cailloux, il n’y avait rien à faire. De toute façon, il n’y avait rien : ni commerce, ni école, ni médecin. En un mot : RIEN !




En 1938, nous avons déménagé pour AOULI. Cela nous a surpris. Nous descendions d’un plateau à 1400 mètres d’altitude, caillouteux mais vaste, pour nous retrouver dans une petite vallée traversée par la Moulouya. Nous y avons atterri par une piste cahoteuse, pleine de virages se terminant par un pont emporté chaque année par les crues de la rivière. Ici, ce fut un autre choc. Dans ce site encaissé, traversé par la Moulouya nous subissions un vacarme vraiment inhabituel. Le va et vient bruyant des wagonnets allant des galeries de la mine, à la « laverie » rythmait les journées. D’autres wagonnets chargés de résidus de minerai et de boues en sortaient. Ils étaient passés dans des bains d’acides. L’atmosphère empestait.

Après le coin mine, il y avait un bâtiment assez long surnommé le Balima. C’est là que logeaient les familles des mineurs et, un peu plus loin, près de l’oued, quelques maisons dont la notre. D’autres maisons furent construites par la suite, quand nous y étions encore, en hauteur, loin de l’oued.

Sur place, comme dans nos précédents lieux de résidences, il n’y avait rien à cette époque : pas de commerce, pas de médecin, pas d’école. Un car était chargé du ramassage des écoliers de l’école primaire d’Aouli, en passant par Mibladen pour Midelt. Nous arrivions souvent en retard à cause des crues et des pistes impraticables. En chemin, il nous arrivait d’arracher des touffes d’Alfa que nous posions, avec des cailloux, dans les ornières, sous les roues du car. Il pouvait alors repartir.

Par la suite, je poursuivis mes études secondaires à Meknès. Je fus en pension et les trajets aller et retour ne manquaient pas de piquant.

Pour notre alimentation, cela se passait mieux. Ma mère donnait, régulièrement, au chauffeur du car un sac avec la liste des courses. Le soir, il ramenait le courrier et la nourriture.

En 1938, le médecin le plus proche était celui de la garnison militaire de Midelt.Il ne se déplaçait qu’en cas d’urgence. Autrement, les consultations se faisaient au téléphone ! C’est ainsi que mon frère fut soigné pour une vilaine bronchite. Pour le soigner, ma mère enveloppait sa poitrine de papier journal imbibé de pétrole, sans indication précise de temps. Le matin, en enlevant le papier, des cloques venaient avec ! … Terrible, mais radical, il n’a plus jamais eu de bronchite… !

Vous qui visitez aujourd’hui ces vestiges, vous pouvez maintenant imaginer ce qu’à été la vie de ceux qui on fait prospérer cette mine de plomb. De vrais pionniers. Ce furent des hommes et des femmes pour qui ce n’était pas rose tous les jours mais qui réussissaient à s’adapter. Dans l’esprit des gens du bled et des mineurs, il y avait une chose très précieuse : la Solidarité.

Texte de Mme Maguy Milelli, née de GUNTEN, Tiré de la revue Salam-n° 155.
Photos, du site "Midelt, Mibladen, Ahouli"

mardi 18 septembre 2007

Les oubliés du bled - Flilou, 1930 - lu pour vous.




Le Maroc en 1930?...Le Pérou pour une famille suisse partie à l'aventure pour trouver une vie meilleure? Notre père (M. de Gunten) a vite trouvé à Casablanca, un emploi, puis un deuxième, mais peu de temps après, ce fut une période de chomage...déjà!

Pour "mettre du beurre dans les épinards", mon pére, bricoleur de génie malgré tout, avait mis au point un produit pour nettoyer les cuivres: Le GUNOL(trois lettres de son non et deux de celui de notre mére). c'était une idée géniale, mais malgré les hommes-sand-wich déambulant dans Casablanca, Le Gunol ne se vendait pas. Il est vrai que les femmes marocaines avaient leur façon bien à elles: Les cendres et le jus de citron, pour faire reluire les cuivres.En ce qui nous concerne nous avons utilisé ce produit pendant très, très, très longtemps.

Nous étions trois enfants ( j'avais deux ans) donc cinq en tout, un jour, la décision fut prise, mon père accepta un emploi de chef-monteur dans une centrale hydro-électrique à...Flilou.

Personne ne connaissait ce bled. En fait c'était à 10 Km de Midelt en passant par la Kasbah des Noyers vers le Haut-Atlas.Le barrage de Tatiouine alimentait la centrale.

Comment se présentait Flilou? Une centrale neuve et une maison. Evidemment elle était sans eau, sans toilettes (la cabane au fond du jardin de Francis Cabrel aurait été un palace à coté) et sans électricité (un comble!).

Notre mère courage puisait des seaux d'eau dans le canal de dérivation. Cette derniére était glacée, meme en été. Et pourtant, c'est dans ce liquide qu'il fallait rincer le linge.

Nous nous éclairons avec des lampes à pétrole et des lampes de mineurs qui empestaient.
Evidemment, sur place, il n'y avait ni commerce, ni médcin, ni école bien-sur.

Notre seul luxe était le fidèle LAHCEN. C'était un berbère. sur son bourricot, il allait deux fois par semaine chercher et rapporter le courrier et le ravitaillement.

Mon frére et ma soeur furent alors envoyés chez des amis à Rabat pour pouvoir poursuivre leurs études. Mes parents et moi étions seuls,mais proches, et aussi trés proches des berbéres habitant les deux ksar au fond de la vallée. Gàce à eux, nous avons appris à faire avec le peu que l'on avait, et, surtout, à partager. Et quelle hospitalité de leur part !

Ma mére servait aussi un peu d'infermiére. Ainsi, une année, à l'époque de la floraison des grenadiers,les enfants avaient les yeux rouges, collés et infectés. Ma mére nettoya un jour les yeux de Moha, le fils de Lahcen, et mis des gouttes apaisantes. Et là..."le tiliphon arabe" a fort fonctionné. Tous les jours, il y avait une file d'attente devant la maison. Des gens confiants et reconnaissants.

Il y avait un fléau dans le centrale: de grosse tarentules. Mon père ètait devenu un expert dans la chasse de ces occupants dangereux. Un jour, malgré ses multiples rapports que rien n'était fait pour s'en débarasser, il a présenté, au moment de l'apperitif, au Directeur venu voir les traveaux, une planche avec une trentaine de bétes èpinglèes dessus: Quelques amuses gueule! Ce fut radical, mon pére eut gain de cause.

Malgré notre isolement, il y avait des fetes que nous ne pouvions pas oublier, surtout avec notre ascendance suisse alémanique. Noel en particulier. Pour faire notre sapin de noel, nous utilisions un génevrier plein d'épines. Nous y accrochions des boules ( en ayant pris soin de mettre des gants) et beaucoup de mandarines.

Mais le fin du fin, venait encore une fois, de l'ingéniositè sans fin de papa : les bougies! Cela consistait en une pince soudée au desous d'un petit tube. Il encastrait un autre tube muni d'une mèche assez longue. Une fois allumèe, cette création originale donnait vraiment l'impression d'une bougie. Mais qu'elle odeur!...

Cependant, Noel à cinq, sans famille, sans amis, loin de tout, c'était quand meme un peu tristounet. Nous nous en contentions, mais cela reste marqué dans nos coeurs....(à suivre).

Par Mme Maguy Milelli, Tiré de la revue SALAM, n°155, Septembre 2005

jeudi 13 septembre 2007

Le chemin de fer de Midelt.






Midelt peut se targuer d'etre l'une des premières villes marocaines à disposer d'un chemin de fer. Les anciens de Midelt vous parlent avec fierté de leur ancienne gare de Tachiouine ( dont les locaux sont récupérés actuellement par l'armée royale) et de celle de Ba Sidi, sur la route de Ksabi ( en ruine aujourd'hui).Les locomotives de la liaison ferrovière reliant Midelt à Taourirt était en voie de 0,60 mètres, les trains faisaient une moyenne de 12 km/heure. Ce chemin de fer était surtout à vocation minière et militaire.
Yvette Katan, qui a étudié des voies similaires à Oujda, nous apprend dans son travail (Oujda, page 109) : " l'intéret de cette voie stratégique se doublait dans l'esprit des colonisateurs d'un autre objectif: frapper l'esprit de "l'indigène" par l'image de la puissance du pays qui l'installe."




Quoiqu'il en soit Midelt avait l'un des premiers rails du Maroc opérationnel dès 1920, comme en témoigne l'une des photos du message. Malheuresement, cette voie n'a eu qu'une existence éphémère et semble avoir été démantelée dans les années cinquantes.
Selon les témoignages oraux, le rail de Midelt -Taourirt a été transféré par l'occupant en Ethiopie . Peut etre, pour frapper l'esprit d'autres "indigènes".

lundi 10 septembre 2007

Moha Ou Chrif (3)- Par Dr Maxime Rousselle.





Moha Ou Chrif est rebouteux. Rebouteux officieux de la Haute Moulouya depuis plus de cinquante ans. C’est en somme mon concurrent direct. J’ai entendu dire beaucoup de bien de ses interventions dans les fractures de membres.
Il serait ridicule de le contrer, pourquoi pas, même, de le poursuivre pour exercice illégal de la médecine ? Tentons plutôt de collaborer.
Nous entrons tous dans une petite pièce, sans ouverture, éclairée seulement par quelques bougies posées sur un demi meule en pierre. Contre un mur, une vieille femme assise, sur un tapis, serrant contre sa poitrine la tête d’un garçonnet de sept à huit ans, allongé entre ses jambes. L’enfant, l’air effrayé, se cache tant qu’il peut sous la couverture.
Moha Ou Cherif avec beaucoup de douceur mais aussi d’autorité s’approche de l’enfant :
-Ourt ou guid, n’aie pas peur, c’est le toubib d’Itzer qui vient te voir.

La jambre blessée est prise dans une attelle en roseaux.
L’attelle dépasse largement au dessus du genou et au dessous du talon. le tout a de l’allure et fait très sérieux.
A un interrogatoire poussé on m’assure qu’il n’a eu ni plaie ni sang répandu. Donc pas de fracture ouverte.
Dans le fond, je me suis déplacé pour peu de chose, mais je ne le regrette pas. Ce n’est pas l’avis de Moulay Idriss qui bougonne et trouve que je prends les choses beaucoup trop « simplement » .
-Vous allez voir, maintenant, ils vont vous appeler pour rien du tout…
-Je m’en fiche. Nous sommes payés pour cela. Si vous ne vouliez pas être dérangé la nuit il fallait vous faire soukier et vendre du ras-el-hanout. Demandez à Moha quel était l’os cassé ?
-Les deux étaient cassés, la jambe était toute tordue.
-Comment a-t-il fait pour remettre droite ?
Le vieillard explique simplement.
-Le père de l’enfant était assis sur le sol, tenant son fils serré, devant lui, entre ses jambes . J’ai tiré sur la jambe jusqu’à ce que je sente les os s’accrocher. A ce moment la jambe blessée reprend la même longueur que l’autre. C’est facile. Alors je mets la laine autour puis l’appareil.
-As-tu beaucoup d’appareils comme celui-ci ?
-Non, je les fabrique au fur et à mesure, sur les dimensions des blessés.

Il est maintenant près de trois heures du matin. J’aurais bien d’autres questions à poser à Moha, mais les femmes ont préparé le thé, un peu de miel et du pain.
-Si tu veux, tu peux rester dormir ici…
-D’accord.
Aussitôt les femmes se mettent en branle, apportant couvertures, tapis. La seule restée là est la vieille berçant l’enfant qui n’a plus du tout envie de dormir, essaie au contraire d’attirer l’attention. N’est il pas le héros de la journée. Nous les hommes, nous sirotons le thé, en parlant. J’en apprends un peu plus sur notre rebouteux.
Quand un membre est cassé, dans un rayon de cinquante kilomètres à la ronde, c’est lui qu’on appelle.
Quel age peut bien avoir ce vieillard sec et vigoureux ? On le questionnant je ne peux rien obtenir de précis. Le passé, pour lui comme pour la plupart des gens du bled est un brouillard chronologique confus. Deux ans ou vingt ans, c’est tout pareil, c’est « bekri ».
Autrefois, jadis.
Quand les français sont venus en Moulouya en 1917, était il jeune ?
-J’étais déjà vieil homme.
- Mais que veut dire vieux ? Quarante ou soixante ans ? Il faut remonter plus loin dans le temps…. .
-As-tu entendu parler de l’amhala de Moulay Hassan au Tafilalt en 1894 ?
-Oui, très bien, mon père me disait même que j’étais né l’année où il est devenu sultan du maghreb. Donc Moha Ou Chrif est né en 1873. Il a donc aujourd’hui, en 1953, 80 printemps. Certes, il a l’air d’un vieillard, mais à voir son mollet ferme et sa jambe nerveuse, son extraordinaire résistance physique , on ne le croirait pas aussi âgé. Il ne se déplace jamais qu’à pied. Et aujourd’hui, il est venu assez vite, dit il, d’Aghbalou n’serdan à krouchen, en quelques heures de marche.(25 km).
-Comment vit il ? On ne lui connaît plus aucune famille, ni aucun domicile fixe.
-La qbila (tribu) est ma famille. je suis chez moi partout. Aussi bien chez les Ait Ihand que chez les Ait Massoud ou ailleurs. Moulay me confirme qu’il ne demande jamais le moindre salaire, mais lorsqu’il quitte une famille, on lui met toujours des provisions et souvent un cadeau dans sa musette.

jeudi 6 septembre 2007

Moha Ou Chrif, le rebouteux. ( 2 ) .







J'aime bien conduire la nuit. La petite lumière bleutée du tableau de bord difuse sa faible clarté rassurante. Dans la plaine, sur la piste, surgissent des gerboises, petits kangourous, qui sautillent un moment dans les phares puis d'un bond, de coté disparaissent dans la nuit. Quelquefois, elles se mobilisent en plein milieu du chemin , et il est difficile de ne pas les écraser. Oui, j'aime cette conduite solitaire, au milieu de cette nature calme, mais pas endormie. Je peux laisser mon imagination vagabonder, me perdre dans des pensées semi-oniriques. Une certaine exaltation meme, s'empare parfois de moi, une sorte de joie un peu masochiste, puisque j'en arrive à me tirer du lit avec un certain plaisir. La joie aussi de faire un métier d'homme, dur sans doute, mais qui suffit à remplir ma vie.
Malgré moi, je me sens proche de St Exupéry dans "Vol de nuit". Un peu prétentieux, n'est ce pas! Je pense à tous ceux qui, leur journée finie, jouissent d'une nuit sans imprévu, et je les plains.
Voici les virages au dessus de Boumia. Puis la piste file plein Ouest.... Nous descendons, croyant etre arrivés
- Il faut laisser la voiture là, dit le guide, mais ce n'est pas loin.
Le guide prend le brancard sur l'épaule, Moulay Driss deux attèlles métalliques et moi la trousse d'urgence et la torche lumineuse. Au bout de cinq minutes, nous voilà devant un petit groupe de maisons au milieu des arbres. Tout est noir. Sans doute tout le monde dort t il! Un ane se met à braire... Le guide frappe à une porte de cèdre...
Le dialogue classique s'installe , la porte finit par s'ouvrir sur un homme portant una lampe à hauteur de l'épaule pour mieux nous voir.... Mais c'est curieux . D'habitude, dans cette région, on fait tout de suite entrer le visiteur. Or, j'ai l'impression que, cette nuit, on n'est pas préssé de nous voir entrer... Moulay Driss, semble aussi mal à l'aise. Mais surtout furieux contre tous ces gens. Le ton monte.
Derrière le père, beaucoup de monde, des femmes, jeunes et vieilles, des hommes et parmi eux, un magnifique viellard aux cheveux blancs. Le père s'approche de moi, et la mine penaude, me dit:
- Si Toubib, excuse nous, l'enfant est là, mais tu arrives trop tard.
J'ai eu un coup au coeur. Comment diable. Trop tard. Y a t il eu choc traumatique, une autre lésion cranienne ou abdominale qui puisse expliquer la mort?
- Moulay Driss, demandez leur comment est mort l'enfant.
- Mais il n'est pas mort, il est simplement aux mains du vieillard tout blanc qui est là. C'est lui Moha Ou Chrif. Celui dont je vous ai tout le temps parlé.
Le vénérable vieillard qui a entendu son nom, me regarde avec un peu de méfiance, se demandant si je ne vais pas me mettre en colère. Je vais vers lui, la main tendue:
- Moulay, dites lui combien je suis heureux de faire sa connaissance. Combien j'aime ceux qui font du bien autour d'eux.
L'atmosphère se détend aussitot, et Moha Ou Chrif, suivant la coutume me prend dans ses bras et frotte sa barbe blanche contre la mienne toute noire! .... - à suivre -

mardi 4 septembre 2007

Moha Ou Chrif, le rebouteux, par Dr M.Rousselle.(1)




Depuis bien longtemps déjà, j'entendais parler de Moha Ou Chrif, et j'avais bien envie de faire sa connaissance. Malheureusement, c'était un grand voyageur insaisissable, hier là bas, aujourd'hui ici, et Dieu sait où demain.
Cette nuit, quand le téléphone a sonné je venais juste de m'endormir et j'aurais volontiers envoyé au diable l'importun. J'avais même eu la tentation de ne pas répondre; après tout j'aurais bien pu n'être pas là, j'avais eu une journée harassante. Pourtant, je me retrouvais, nu-pieds sur le carreau froid, à moitié endormi:
- Allo! C'est l'officier du poste de krouchen qui me signale qu'un "rekkas" vient de lui apprendre que dans un petit hameau de la vallée de Srou, en limite avec le cercle de Khénifra, un âne avec son passager, un enfant, était tombé dans un ravin cet après midi. Le garçonnet a une jambe cassée et, parait il, en très mauvais état. Il n'avait aucune autre information.
- A vous de juger si vous devez vous déplacer.
- Bon, il n'y a pas à hésiter, une fracture peut être ouverte, c'est une urgence, surtout dans ces régions d'élevage avec les risques de tétanos, de plaies suppurentes, d'ostéomyélite etc....
- Bon, j'arrive.Mais de grâce ne me faites pas faire le vétérinaire pour le bourricot à cette heure!
Krouchen est à environ 60 km d'Itzer. La piste est médiocre et dangereuse à partir de Tizi n'ghechou.
Un coup d'eau fraiche sur la figure et je passe par le jardin pour aller réveiller Moulay Driss, qui en grognant un peu, sort les cantines ad hoc.
Il est plus de onze heures et demi quand nous quittons Itzer par la piste de l'Aguerssif. Comme d'habitude, je conduis et Moulay sommeille à côté, calé par son burnous plié en quatre contre la portière de la Land rover.... - à suivre-.

Tiré du témoignage de Dr Maxime Roussel, médecin qui a exerçé la médecine de 1949 à 1975 dans différents postes du bled puis en ville dans le cadre de la santé publique.