jeudi 6 septembre 2007
Moha Ou Chrif, le rebouteux. ( 2 ) .
J'aime bien conduire la nuit. La petite lumière bleutée du tableau de bord difuse sa faible clarté rassurante. Dans la plaine, sur la piste, surgissent des gerboises, petits kangourous, qui sautillent un moment dans les phares puis d'un bond, de coté disparaissent dans la nuit. Quelquefois, elles se mobilisent en plein milieu du chemin , et il est difficile de ne pas les écraser. Oui, j'aime cette conduite solitaire, au milieu de cette nature calme, mais pas endormie. Je peux laisser mon imagination vagabonder, me perdre dans des pensées semi-oniriques. Une certaine exaltation meme, s'empare parfois de moi, une sorte de joie un peu masochiste, puisque j'en arrive à me tirer du lit avec un certain plaisir. La joie aussi de faire un métier d'homme, dur sans doute, mais qui suffit à remplir ma vie.
Malgré moi, je me sens proche de St Exupéry dans "Vol de nuit". Un peu prétentieux, n'est ce pas! Je pense à tous ceux qui, leur journée finie, jouissent d'une nuit sans imprévu, et je les plains.
Voici les virages au dessus de Boumia. Puis la piste file plein Ouest.... Nous descendons, croyant etre arrivés
- Il faut laisser la voiture là, dit le guide, mais ce n'est pas loin.
Le guide prend le brancard sur l'épaule, Moulay Driss deux attèlles métalliques et moi la trousse d'urgence et la torche lumineuse. Au bout de cinq minutes, nous voilà devant un petit groupe de maisons au milieu des arbres. Tout est noir. Sans doute tout le monde dort t il! Un ane se met à braire... Le guide frappe à une porte de cèdre...
Le dialogue classique s'installe , la porte finit par s'ouvrir sur un homme portant una lampe à hauteur de l'épaule pour mieux nous voir.... Mais c'est curieux . D'habitude, dans cette région, on fait tout de suite entrer le visiteur. Or, j'ai l'impression que, cette nuit, on n'est pas préssé de nous voir entrer... Moulay Driss, semble aussi mal à l'aise. Mais surtout furieux contre tous ces gens. Le ton monte.
Derrière le père, beaucoup de monde, des femmes, jeunes et vieilles, des hommes et parmi eux, un magnifique viellard aux cheveux blancs. Le père s'approche de moi, et la mine penaude, me dit:
- Si Toubib, excuse nous, l'enfant est là, mais tu arrives trop tard.
J'ai eu un coup au coeur. Comment diable. Trop tard. Y a t il eu choc traumatique, une autre lésion cranienne ou abdominale qui puisse expliquer la mort?
- Moulay Driss, demandez leur comment est mort l'enfant.
- Mais il n'est pas mort, il est simplement aux mains du vieillard tout blanc qui est là. C'est lui Moha Ou Chrif. Celui dont je vous ai tout le temps parlé.
Le vénérable vieillard qui a entendu son nom, me regarde avec un peu de méfiance, se demandant si je ne vais pas me mettre en colère. Je vais vers lui, la main tendue:
- Moulay, dites lui combien je suis heureux de faire sa connaissance. Combien j'aime ceux qui font du bien autour d'eux.
L'atmosphère se détend aussitot, et Moha Ou Chrif, suivant la coutume me prend dans ses bras et frotte sa barbe blanche contre la mienne toute noire! .... - à suivre -
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7 commentaires:
bonjour dr Mouhib
que de souvenir "la route Midelt Boumia" je la connais,j'en parle dans mon blog.Il y avait aussi a boumia un paysannat sous la responsabilited mon pere (ainsi que celui de "Arbalou n serdan")
les gerboises font parties des images de me souvenirs, et j'en parle aussi dans mon blog,
c'etait un vrai plaisr la nuit de les voir gambader et traverser la route pour nous narguer
ma jeunesse !!!!
les "rebouteux" ainsi les nomions nous, eux ausi nous soignaient a midelt meme si nous etions ami avec le docteur militaire Dolivet qui lui aussi leur reconnaissait une grande competence
votre histoire me plait de plus en plus
Ou puis-je me procurer le livre?
Merci de ce spot, il confirme mes souvenirs de Midelt que je croyais si vieux et qui par la force de l'ecriture me reviennent doucement au compte goute comme pour me faire savourer ce met le plus longtemps possible
vivement mai 208 ,pour retrouver mes racines et mes traces dans ce fabuleux liiu qu'et Midelt
patrick
Bonjour Patrick, cela me fait plaisir que ce post vous plaise . C'est cette relation rariscime entre medecin moderne et tradipraticien relatée subtilement par Dr Maxime Rousselle, un autre pionnier de la région, qui m'a poussé à le publier.
Vous lirez la discussion entre les deux dans le prochain post.
Le livre s'intitule : "Médecin du bled",Dr M.Rousselle, imprimé en France probablement en 1957( sans mention de l'imprimerie ni de l'édition.)
Merci pour votre fidélité.
bonjour dr Mouhib
je suis allé dans une librairie le livre est epuisé en france et ne sera plus imprimé
vraiment domage
amities
patrick
Dr Mouhib
Il faut dire que c'est devenu nostalgique pour nous qui sommes natifs du bled et qui avions côtoyer de telles pratiques pour la plupart efficaces. Je lis avec plaisir les passage que tu nous transcris dans ton blog sur les rebouteux par le DR Rousselle et je m'incline devant la lisibilité de ces récits et le modèle de narration adopté par l'écrivain, à la fois simple et profond.
Merci Si Med
bonjour Patrick ;je n'ai que des photocopies de quelques chapitres du livre ,si je retouve le bouquin je t'enverrai une pohotocopie promis.salut
Bonjoure Salah, c'est vrai que Dr M.Rousselle a une très bonne plume. Son bouquin, "le toubib du bled" que j'ai lu à mon arrivée à Midelt m'a appris beaucoup de choses sur la région. C'était la Soeur Bégonia qui me l'avait passé. Que Dieu ait son ^ame.
Merci de ton passage.
Salam.
Salam,
Je suis Mouhib Asma, de Safi, je n'sais pas comment je suis tombé sur votre blog, mais ce qui m'a attiré c'est que nous portons le même nom de famille.
Voici mon blog:
http://asmaamb.over-blog.com/
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