mercredi 15 août 2007

Hommage de Majid Blal à M'Ririda N'Ait Atik.


René Euloge a traduit l’œuvre de cette écorchée vive, parmi les poètes marocains, après l’avoir rencontré dans les années vingt du siècle dernier. Pour cette première chronique je fais l’éloge de son poème intitulé Médisance.

Maudits soient la langue et son venin !
Personne n’y était.
Pourtant on dit..On dit que le vieil Amghar a engrossé la bergère.
On dit que celui-là volait dans son jeune âge.
On dit que cet autre empoisonna son gendre
et que le Moqaddem étrangla sa maîtresse…
On dit que Ba Aksoum mange du sanglier
et que le juif Ichou fait de la fausse monnaie…
On dit que le Caïd et la femme du Hakem…
On dit que le Cadi, le jour des Crânes…
Personne n’y était. Et pourtant on dit…
L’oreille est complaisante à la médisance.
Maudits soient la langue et son venin!
Rien n’a changé dans un type de comportement,malgré l’évolution de l’espèce.
Quand des mal intentionnés se déchaînent la médisance ratisse large. La médisance prise et puise au fond des ragots dans le mesquin dessein de fausser les percep-tions. La médisance perquisitionne dans la mauvaise foi afin de semer la méprise, de forcer les doutes et d’entacher les honneurs. La médisance n’a pas le verbe direct, tout compte fait les débats constructeurs lui sont langue étrangère. Elle est non-initiative, elle préfère l’inertie. Sa phobie est l'echangement.La médisance réquisitionne les oreilles qui se complaisent dans la zizanie. Les oreilles qui se plaisent dans l’immondice des cancans. Des oreilles qui se recroquevillent dans la fausse indignation à la moindre alerte d’une critique argumentée. Ce n’est pas de moi s’en sortent elles.

La Médisance est inquisition. Elle privilégie le dénigrement pour discréditer ceux qui osent penser… et fauche le chauffard… La calomnie se veut la faux à couper l’herbe sous les pieds de l’argumentation et des dialogues d’idées. L’inquisition-médisance est lâche, parce qu’elle ne peut accuser de front : regard oblique et oeil fuyant. L’inquisition insinue. Elle est anonyme.Elle rampe sournoisement comme un baiser de la mort sur les bouches de ceux et celles qui la répètent à l’infini.
QUO VADIS? Qui a peur de l’indépendance d’esprit? Qui craint la tolérance sous prétexte que la tolérance est la pitance que l’on sert aux minorités.
QUO VADIS? Qui casse le sucre sur le dos des valeurs qui disent le respect ! Le respect de soi, le respect des autres, le respect de la différence. Qui a intérêt à s’attaquer à des valeurs auxquelles aspirent tous les citoyens qu’importent leurs origines,religions ou couleurs. Qui peut traiter qui d’apostasie sans nier qu’il s’octroie le pouvoir de juger ! Qui est quoi? Qui a peur de la liberté? Des défenseurs de la liberté. Qui a peur des intello, de gauche soient ils?
QUO VADIS? Qui manipule dans l’ombre? La médisance dénigre. La médisance se nourrit de la justification de ses victimes. La médisance a les mots rouges sur les mains ou plutôt sur le bout de la langue. Parce qu’elle aime la prise de contrôle,elle distribue généreusement les avertissements aux éventuels rebelles comme au verbe contestataire.
La calomnie voudrait « des identifications réductrices au détriment des identités postulées »contemporaines et surtout multiples comme l’altérité. La Médisance est un relent stratagème de la pensée unique. La médisance se targue de protéger le moule de ceux qui ont des choses à perdre. La médisance sème le faux pour traquer le vrai. Système policier et boule de gomme. « Il est difficile de combattre un adversaire qui a des avant-postes dans votre tête » Sally Kempton.

10 commentaires:

Dr Mouhib Mohamed a dit…

bonjour Majid;avant la reception de ta chronique ,je ne connaissais pas grand chose sur Mririda .Une petite recherche sur le net surprise!toute une litterature a été consacré à cette poetesse berbere de la region de Tassaout Haut atlas.
les chants et contes de Mririda,ont été recueilli en 1927
par un instituteur Français Rene Euloge et publié dans un ouvrage intitulé"les chants de la Tassaout-Mririda n' Ait attik";paru à Casablanca en 1986(assys.com).
Merci Majid de m'avoir donné l' occasion de connaitre cette grande
hétaire berbere des annees20 du siécle passé.J'ai trouvé ton interpretation de son poeme sur la medisance tres important je me suis permis de le publier pour le partager avec les lecteurs du blog ,surtout en cette période pre-electorale ,periode de la medisance par excellence .les candidats ne cessent de medire de leur collegues.C'est à toi de repondre aux eventuels commentaires.Amités.

AKOUJANE a dit…

Salamualaikum Si Mohamed,
J'ai eu la joie et l'immense plaisir de voir mon ami Si Majid cette semaine à Sherbrook. Je peux dire qu'il marque déjà l'histoire de cette ville de son sceau en y apportant un renouveau culturel et intellectuel dont ses habitants n'ont jamais rêvé.
Le recueil de poésie qu'il m'a offert, une autre de ses oeuvres saisissantes de qualité et de beauté, je le conserve précieusement et m,en revivifie de temps à autre mes neurones vieillissantes.
Mririda a eu sa part dans la littérature et sa place au soleil de l'histoire grâce à la volonté de son ami, l'ancien instituteur français d'Azilal (précisément Ait M'hamed), et grâce aussi à l'usage d'une langue véhiculaire écrite. Mais... les autres Mrirda qui se comptent par centaines dans notre histoire, dont la tradition orale n'a gardé que de vagues souvenir??
Je ne voudrais citer que la fameuse Ïwazzine. Voici l'extrait d'un paragraphe que je lui ai consacré dans l'un de mes écrits:
"Iwezzine était une poétesse de renommée. Elle avait plus de valeur que bien des hommes riches et influents. Lorsque le courage manquait à beaucoup d’hommes pour faire valoir leur force virile, Iwezzine, elle, alliait son courage et son intelligence à sa volonté de fer. Elle s’imposait au nez et à la barbe de la gent masculine.
Elle tenait bien son intérieur et vaquait aux multiples tâches exigées par sa condition de femme. Elle tissait tapis, jellabas, burnous et timizarine. Mais lorsqu’il fallait se battre, elle maniait les armes avec dextérité. Elle tenait un élevage prospère de beaux ovins et traitait les affaires au souk avec brio.
La jeune femme était d’une beauté rare. Son nom signifiait d’ailleurs « grande beauté », et elle le portait bien. Elle avait du caractère. Elle tenait la dragée bien haute aux plus futés des hommes.
Les Caïds et les personnes en vue appréciaient sa compagnie. Ils l’invitaient immanquablement pour rehausser une occasion publique, une réception privée ou une fête familiale. Elle se surpassait alors en prose et en poésie improvisées… Plutôt non, jamais improvisées car, tel un prodige, les mots et les rimes coulaient comme de l’eau de source, parfaits et limpides, de la double matrice de sa tête et de sa bouche. Ses compositions, formées avec aisance et précision, portaient le sens juste et profond qu’elle voulait leur donner. Elles obéissaient à sa pensée. Elles l’exprimaient sans faille. Son auditoire, à chaque fois, se mettait en extase.
En guise de verbe, elle avait la gâchette facile et le mot bien à-propos. Elle clouait au pilori quiconque se hasardait à la taquiner par un sous-entendu ou par un vers d’izlane (chants). Les chefs d’ahidouss (formation folklorique), avec leur tamesmount (chœur), venaient chercher l’inspiration auprès d’elle pour composer leurs mélopées à l’approche d’une fête où ils devaient se produire.
Elle aimait recevoir chez elle. Mais l’exclusivité de son hospitalité était réservée aux gens de son ighess (fraction de tribu), la veille et le jour du souk et aux grandes occasions.
Elle agrémentait les moments de loisirs des Caïds qui l’écoutaient et la regardaient avec délice, charmés par ses atours et ses nombreux dons, et ceux du bon peuple qui avait sur les lèvres ses belles tiyafrine (strophes). Les gens meublaient leur temps en racontant les exploits de la jeune femme.
Ainsi, Iwazzine avait ses entrées et sorties auprès des familles en vue et des hommes influents. Tous l’enviaient. Mais personne n’osait demander sa main. Ce serait une bonne raison pour éveiller des rivalités et déclencher une guerre interminable ! Iwazzine en était consciente et elle ne s’aventurait jamais à étaler au grand jour ses attirances.
Le petit peuple la redoutait et l’aimait en même temps. Elle jouait un rôle de premier plan sur les fronts de la résistance culturelle, à défaut de la résistance par les armes, qui s’amenuisait de plus en plus. Elle constituait à elle seule un solide rempart de protection à l’identité de sa tribu et des siens.
Iwazzine avait aussi la considération des autorités coloniales. Elles avaient de l’admiration pour cette femme d’un autre temps ! Elles l’honoraient à l’occasion et lui laissaient la liberté de s’exprimer, tant que ses dires ne dénigraient pas de façon flagrante l’occupation et son système.
Ainsi, la renommée de Iwazzine ne tarda pas à dépasser les limites de sa tribu..."
C'était une femme des Ait Sokhman...
Je me joins à Si Mohamed pour formuler le plus vibrant des hommages à taymatt inou, Si Majid Balal.
Salamualaikum wr allah.

Majid Blal a dit…

Bonjour. je suis honnoré et très fier de surprendre ma chronique dans les bras de ce blog. La litterature n,est pas monogame, elle n,a que des amants qui lui liassent la liberté d'être libertine. Bref. Merci beaucoup pour vos hommage et pour votre amour des mots qui disent.
C,est vrai! Je suis un inconditionnel de Mririda. elle m,a ensorcellé quand de sa bouche le fiel devient miel et l'émotion un complainte qui transperce le flanc de l,ATLAS pour venir écorcher nos sensibilités cachées sous des carapaces. Cette femme qui n'a pas pu rentrer chez elle à AIT BOUGAMAZ parce qu,elle a exercé le plus vieux metier du monde, a clamé le mal du pays comme si elle vivait au dela des mers. je profite de cette occasion pour partager avec vous un autre de ses poemes qui me ressemble énormément car je le porte dans ma chair, dans ma tête , dans ma peau, dans mon âme. Un poeme qui la malvie des émigrants.
MAK YAGHEN, BASSOU?
Qu'as tu, bassou , mais le sais-tu toi même?
Bassou. des ait iskad, il est là...
Il est là, Bassou...et il n,est pas là...
Sa tête est ailleurs et ses yeux aussi...
Il entend des voix de là-bas, Bassou...
Il voit des gens de là-haut, Bassou...
Il va rôder tout seul dans la campagne,
Sans but, l,air absent. A quoi songe-t-il?
Il est inquiet, le coeur lourd et triste
Comme un chien qui a perdu son maître.
Il se sent toujours et partout mal à l,aise.
Comme s,il portait des vêtements d,un autre. Comme l'orphelin qui passe ses premiers jours,
dans la famille qui l,a recueilli..
Les choses qu'il a connues ne lui parlent plus.
Trente années d,absence l,ont fait étranger chez lui.
Quelques choses l'empêche de se plaire ici.
S'il retournait au pays des Roumis.
il ne s'y plairait pas davantage...
Il est malheureux sans savoir pourquoi.
Pourquoi? Mririda va te le dire, Bassou:
Tu as vécu longtemps loin du pays

Voila ce poeme me rapportre toujours une larme au coin de l,oeil chaque fois que je le lis.

Merci encore Si Mohamed et Si Mohamed.
Bien à vous
Votre ami majid
tannemirt

Dr Mouhib Mohamed a dit…

Bonjour Si Mohamed Akoujane,
je suis très content que deux amis , deux très bonnes plumes de l'Atlas, se rencontrent par le biais de mon blog.
Par ailleurs, c'est un réel plaisir de te lire phrase après phrase. Tu as vraiment la poésie des mots. Ta chronique sur Iwazzin est fantastique. J'aimerais bien lui consacrer, avec ta permission, le prochain post.
Merci de ton fructueux apport.
Salam.

AKOUJANE a dit…

Bonjour Si Mohamed MOUHIB
Ce sera un honneur insigne pour moi... et une justice rendu à titre posthume à Îwazzine, ce prodige méconnu, cette perle dont l'éclat a été occulté par la tristesse des remparts de ceux qui ont écrit l'histoire glorieuse du pays, intramuros. sans grande sensibilité aux épopées qui se déroulaient autour d'eux.
Ce sera une fierté aussi pour les femmes des Atlas, si intelligentes et saines, que des injustices ont poussées au blâmable quelques fois, et au sordide souvent. Une Mririda n'Ait Atiq ne mérite pas que son nom soit synonyme de "prostiruée". Elle voulait élargir ses horizons pour mieux déverser sur le monde le contenu de son coeur et de sa tête et mieux exprimer son message... et elle est prise aux double piège de la quête de liberté, et de l'incompréhension, puis récupérée par un milieu qui n'était pas le sien...
Merci cher frère pour cet honneur... à notre héroine Îwazzine.

Majid Blal a dit…

Azul
Merci beaucoup Mr Akoujane pour les commentaires du coeur. C,est vrai que grace à ce blog nos chemins se sont croisés pour nous mener vers le meilleur de chacun de nous. Je ne connaissais pas cette histoire d,iwazzine et voila que des femmes de l'Atlas viennent enrichir mon univers avec leurs apports.
J,ai bien hate de lire la suite qui sera comme l'a dit Mr Mouhib sur ce blog.
Merci encore et à bientôt.

Dr Mouhib Mohamed a dit…

La fibule

« Grand-mère ! Grand-mère ! depuis qu’il est parti,
Je ne songe qu’à lui et je le vois partout…
Il m’a donné une belle fibule d’argent,
Et lorsque j’ajuste mon haïk sur mes épaules,
Lorsque j’agrafe le pan sur mes seins,
Lorsque je l’enlève, le soir, pour dormir,
Ce n’est pas la fibule, mais c’est lui que je vois !
-Ma petite fille, jette la fibule et tu l’oublieras
Et du même coup tu oublieras tes tourments…
-…Grand-mère, depuis bien des jours, j’ai jeté la fibule,
Mais elle m’a profondément blessé la main.
Mes yeux ne peuvent se détacher de la rouge cicatrice,
Quand je lave, quand je file, quand je bois…
Et c’est encore vers lui que va ma pensée !
-Ma petite fille, puisse Dieu guérir ta peine !
La cicatrice n’est pas sur ta main, mais dans ton cœur »


tiré de Les chants et contes de Mririda

Majid Blal a dit…

Manis Idda?
Où est-il parti, mon aimé, où est-il parti?
Ici, no moi ni les voisins ne peuvent le savoir.
Car notre vallée est petite et le monde immense.
Mon coeur se déchire peu à peu chaque jour.
Comme s'écarte la beauté lézarde du mur.
Est-il soldat ou bien chez les gens de Dar-beida?
Pour mettre de la braise sur ma blessure ouverte
samère prétend qu'il est avec ceux de França
Et que plus tard, la sacoche pleine à craquer,
il reviendra pour épouser une autre, une autre...
Moi, je ne crois pas qu'il ait franchi la mer
Même si son amour pour moi s'etteint peu à peu
Comme blanchissent les cendres chaudes du foyer.
A son retour son coeur réveillé me reconnaitra.
La Clématite, coupée remonte toujours à l'arbre
et je saurai être le tronc qu'il voudra encore étreidre
Où est-il parti, mon aimé, où est il parti?

Encore une merveille de Mririda. Un texte qu'on aurait pu ecrire ce soir, hier ou demain à l,aube. Un des textes qui insistent sur le les rapports sociaux et l,émigration.

Majid Blal a dit…

Texte de Mririda,Extrait de " Chants de Tassaout" de rené euloge

Unknown a dit…

Bonjour Docteur
je m'appelle Omar Chraibi, je suis réalisateur de films, je vis aux USA depuis quelques années. Quand j'ai commencé à tourner mon premier film sur un poète inconnu, un ami m'a parlé de M'ririda et depuis j'essaye de trouver des documents sur cette merveilleuse femme, je veux faire un film sur sa vie, à part "Les chants de la Tassawt" de René Euloge, je n'ai rien trouvé d'autre, auriez-vous l'amabilité de m'indiquer, si toutes fois cela existe, où je peux trouver plus d'information et de documents, surtout sonore? Je vous remercie et vous félicite pour votre enrichissant blog. Si cela ne vous ennuie pas, serait-il possible de communiquer par email, voici le mien: cinomar.chraibi@gmail.com