Quand Mr Dupond venait chercher sa
chance au début des années quarante au Maroc, il n'aurait jamais
pensé se retrouver garde forestier au district d'Anefgou - Tirghist
en pleine forêt du Jbel Moaskar
Il était épais mais élancé, le
front olympien, le visage rond teinté de couperose .
A quarante cinq ans, Dupont n'était
pas encore marié, car, après plusieurs demandes en mariage, aucune
femme n'a souhaité mener sa vie avec lui, dans les forêts enclavées
du haut atlas.
L'amour sans faille que portait Dupont
à son cheval, à la chasse et aux randonnées forestières, le
laissait esseulé dans sa belle maison forestière pendant plusieurs
années.
A la fin des années cinquante, son
chemin croisa celui de Françoise, une belle blonde à la coupe
garçon. Plus jeune que lui d'une trentaine d'années. Au début de
leur rencontre elle découvrait la joie de la vie au grand air avec
insouciance. La forêt et l'air de Moaskar lui convenaient. Mais le
plus dure, c'était de tenir sur la durée.
Notre malheureux forestier, naïf et
trop terre à terre, apprit un jour que sa jeune épouse lui avait « mis
des cornes » en fréquentant son amoureux, l'ingénieur des
travaux public de Midelt. Un jeune robuste qui avait presque son âge.
Françoise prenait souvent la tangente
d'Anefgou pour aller au quartier administratif de Midelt où résidait
son
amoureux.
L'aimable garde forestier souffrant de
sa déconvenue, n'en dormait plus. Il était saisi d'une dépression
nerveuse due à la blessure profonde de l'âme. Un jour, Dupond qui
ne buvait que fort rarement a pris une sacrée cuite. Au volant de sa
Citroen noire, en direction de Midelt , il heurta une vache sur la
piste caillouteuse, entre Anefgou et Anemzi . Suite au choc, la
bete fut projetée dans un ravin. Elle fut tuée sur le coup. Le
forestier est sorti indemne de l'accident. Il n'y eut aucun constat d'usage.
L’écorché vif, qui n'était que rage,
douleur et humiliation, porta plainte contre son grand rivale,
l'ingénieur des travaux public pour sa responsabilité dans
l'absence de panneaux de signalisation de passage d'animaux, sur la
piste reliant Anefgou à Anemzi.
Les autorités de l'époque classèrent
cette affaire sous l'intitulée : «L'AFFAIRE VACHE DE LA VACHE
D'ANEFGOU. »
N.B: L'affaire est véridique, les noms ont été changés et le récit est de mon cru.